‘C’est une ville de réseaux’. Cette phrase, j’ai dû l’entendre 100 fois, à peu près partout où j’ai mis les pieds – à l’exception de Paris la cosmopolite cosmétique, où les gens travaillent ensemble sans trop (se) poser de questions.
Qu’entend-on par réseaux ? Des cercles autorisés, où des « mecs s’autorisent à dire des trucs, parfois ils hésitent, c’est vachement osé ce que je vais dire là… », ironisait Coluche. Où l’on reste entre puissants, entre pairs, entre soi. Entre mecs, souvent, aussi. On pense aux francs-maçons, qui chapeautent d’une main invisible les chambres consulaires. Plus affairiste que spirituelle, cette affaire, malgré les planches du dimanche après-midi. Il y en a d’autres : La Table de l’Ovale à Toulouse, le Cercle Mozart à Montpellier, les inévitables Rotary ou Cobaty, les loges des ‘place to be’ – Ernest Wallon, Altrad Stadium -, où les échanges de cartes et de contrats fonctionnent à plein.

Face aux clans et corporatismes, j’ai toujours été prudent, voire sceptique. Instinct d’indépendance si j’étais une plaquette de communication, sale caractère si j’étais honnête. « Tu es devenu un homme de réseaux », me dit-on un jour sur deux. Certainement pas. Je côtoie des gens introduits dans des réseaux jusqu’au cou, certes, mais ne fais partie d’aucun d’entre eux – nuance de taille. On m’a parfois tendu des perches. Une allusion lors d’un déjeuner, une pyramide de verre posée sur le bureau du décideur, et qu’il glisse en ma direction, l’air de rien. Mais non. J’ai pas le temps.

Argumentons un peu, même avec une heure de sommeil en moins. Je crois en la prééminence de la force de travail. Je crois bêtement en l’intelligence des hommes. Je crois que l’on ne juge pas les gens sur leur origine, leur prénom, leur statut social, leur diplôme, leur couleur de peau ou leur lieu de résidence, mais sur leurs compétences, et sur ce qu’ils font réellement, au quotidien. D’où ma passion pour le sport. La réalité du terrain. Le souci de l’excellence. La performance comme seul juge de paix. Je crois enfin que les réseaux visent au contraire, trop souvent, à exclure des éléments parce qu’ils ne sont « pas d’ici » ou mal encartés, à favoriser des incompétents, à placer des copains en fin de carrière, à intriguer à la façon des courtisans qui tournoyaient, gras et pathétiques, autour d’un roi de passage.

Il faut bien qu’il y ait une contrepartie aux nuits et week-end de doux labeur. Cette contrepartie, c’est la liberté de dire non en mon nom, quel que soit l’interlocuteur. Et c’est, à la longue, une drogue dont il est difficile de se passer.