J’aime pas novembre. Ses jours fériés mortuaires, son 11/11 pour commémorer un match France-Allemagne n’ayant rien d’un onze contre onze sur un terrain de foot, ses feuilles mortes qui n’amusent que les mômes et les peintres. Novembre, son ciel gris d’ennui, Noël qui pointe le bout de ses angoisses, ses gamins djihadistes qui font pleurer Paris.

Même pas l’envie d’écrire une lettre à Daesh. Pas le cœur à un exercice de style littéraire. Aller à une terrasse de café pour signifier que la France reste debout ? Pas le foie à subir un énième et dégueu Beaujolais nouveau. Analyser le pourquoi du comment ? Non, merci, cerveau en vrac. Les spécialistes coureurs de plateau TV, les politiques subitement va-t-en guerre, les journalistes colleurs d’actu s’en acquittent mieux que moi. Voir les amis en comité restreint, pour la raclette traditionnelle des premiers frimas ? Oui, mais non. Plus tard. Pas l’estomac.

Heureusement, il y a le baume des petits riens. Dans le métro de Toulouse, ces deux musiciens enjoués, l’un à la clarinette et l’autre aux percussions, reprenant « Comme d’habitude » de Claude François ou « Les copains d’abord » du Grand Georges. Tellement dans leur truc qu’ils en oublient de faire la quête, et en rient ensemble une fois qu’ils s’en rendent compte, arrivés au terminus.
Un matin, en ouvrant les volets, ma fille qui se tord le cou pour dénicher la dernière étoile brillant encore dans le ciel blême, et y puise une source de bonheur pour la journée.
Plaisir d’aider un poto dans la panade professionnelle. Sans garantie que ça fonctionne, mais tout faire pour, et sans rien attendre en retour. Et puis chut, l’amitié vraie n’a pas de définition dans le dico. Sinon qu’elle est sacrée.
Dans une marche pour la paix à Montpellier, trouver très drôle ce confrère qui glisse, en guise d’analyse de comptoir : « Pour Charlie, on était 100 000. Là, que 3 000. Il faut dire, une manif organisée par des journalistes, des gauchistes et des homos*, ça donne pas envie au populo. »

Et au-dessus de tout, la célébration de la culture, des lettres, de l’art, de la poésie, de l’humour et de l’esprit libre. Camus ressuscité dans un théâtre vacillant. Régine, l’ex-reine des nuits parisiennes, qui sort son boa rose et invite le public à la rejoindre sur scène, moins de deux jours après le carnage du Bataclan. Le comédien Anthony Kavanagh concluant son one man show par un saignant : « On a vécu, on vit et on va surtout continuer à vivre, parce qu’on les laissera pas gagner. » Et, enfin, s’inoculer une perfusion d’un vieux Gainsbourg… le bien nommé « Ces petits riens » : « Mieux vaut n’penser à rien que n’pas penser du tout / Rien c’est déjà, rien c’est déjà beaucoup / On se souvient de rien et puisqu’on oublie tout / Rien c’est bien mieux, rien c’est bien mieux que tout. »

* La marche pour la paix du dimanche 22 novembre à Montpellier était organisée par le Club de la Presse Languedoc-Roussillon, la LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Trans) et le Ligue des droits de l’Homme.