Avoir le vent en poupe peut rendre très con. A priori, un vélo est totalement sympathique : il est silencieux, plutôt esthétique, écologique, économique, et tonifie le petit coeur et les guibolles de son utilisateur. De plus, d’un point de vue strictement logistique, sur des distances courtes, il est le moyen le plus efficace pour relier deux points en milieu urbain. On le trouve chaque juillet magnifié sur les routes de France. A Montpellier, en mai, c’est la fête aux biclous fous, à travers le désormais mondial FISE (festival international des sports extrêmes, www.fise-events.net/fr). A la campagne et en montagne, les VTT permettent de croquer la nature à pleines dents. L’été, les plus malins prennent les cabines en montée, pour n’avoir plus qu’à dévaler tous schuss les géants des Alpes ou des Pyrénées.

Sensations garanties : liberté, longues distances, art de la glisse, maîtrise des trajectoires, unité avec la machine. En version plus urbaine, j’ai passé toute mon adolescence à sillonner la ville dans tous les sens, évitant des tonnes d’accidents et arrivant en sueur au lycée ou dans les soirées. Pas la meilleure façon de draguer les filles, mais qu’importe, le record sur la distance était battu de quelques secondes. Zéro chute en quinze ans : c’est que je ne devais pas prendre assez de risques !

Ainsi immunisés et fébrilement promus par nos édiles – chacun y va de son slogan : Vélib à Paris, Vélo’v à Lyon, V’Lille, VCub à Bordeaux, Vélomagg à Montpellier… -, les allonge-gambettes ont donc, je me répète, le vent en poupe. Et leurs pilotes du dimanche, sortes de Khmers verts, se croient investis d’une mission. Débouchant, toutes sonnettes hurlantes, sur le trottoir, ou en grappes de douze (mince, toute la famille s’y est mise), à fond les ballons, sur des mails urbains pourtant piétonniers. L’anarchie règne en maître. Sans compter les risques, bien réels, de collision entre vélocipèdes et bipèdes.

Savoureuse contradiction, l’usage productif et environnemental du vélo – l’utiliser pour se rendre au travail ou à l’école, en empruntant des voies dédiées, comme dans les pays développés – reste marginal. Comme si on se donnait bonne conscience, sans rien changer, sur le fond, à nos pratiques quotidiennes de mobilité. Interrogé sur le phénomène, un conducteur de tramway confirme cette impression : « Les vélos, c’est du grand n’importe quoi. Ils se croient prioritaires, y compris sur notre plateforme. » Vis-à-vis des forces de l’ordre, les amateurs de petite reine ne risquent rien – à part une réprimande d’usage. Mesdames et Messieurs les élus, à quand un code de la rue ?