Bardé d’un Oscar, Jean Dujardin devient sacrément bankable. C’était l’objectif. Si son numéro de claquettes muettes dans The Artist vaut le détour, il ne crève pas littéralement l’écran. Benoît Poelvoorde, vrai prodige de sa génération, est bien plus stratosphérique dans Podium ou dans le moins connu, mais très touchant, Vélo de Ghislain Lambert. Oui mais voilà, notre Belge national n’imite pas De Niro et ne fait pas le chameau. Une part de lui refuse les codes de l’industrie du cinéma. Alors que Jean Dujardin et sa bande ont vendu, vendu, vendu, des mois durant, leur produit marketé. Belles gueules, sourires obsessionnels – ils sont donc toujours heureux ? Michel Hazanavicius, le réalisateur, ne s’en cache pas : il a fait un film muet parce qu’il a estimé que c’était la meilleure façon de décrocher un Oscar.
The Artist, c’est l’école du No Limit. Les très atlantiques Oscars pour des Frenchies ? Et pourquoi pas ! Etude de marché, écriture, casting, production, promotion, champagne en mondiovision. Même pas peur… Une logique trop peu présente dans le mundillo politico-économique hexagonal. Bien sûr, les grands comptes (EDF, Areva, Orange & co) font déjà leur marché à l’étranger – tout en défendant avec la plus parfaite hypocrisie leurs positions dominantes en France. Par contre, les ETI (entreprises de taille intermédiaire) sont souvent rétives à partir à l’export ou à ouvrir leur capital pour se développer.
Faut-il le rappeler à leurs dirigeants : les affaires se passent dans la tête. Dujardin est passé du mec sympa-macho d’ « Un gars, une fille » au firmament parce qu’il est bon et passe bien, mais surtout parce qu’il a bossé comme un fou et ne s’est fixé aucune limite. Cette réussite est l’exception qui confirme la règle. Car à l’opposé du No Limit, les expressions françaises raffolent de l’adjectif « petit » : « petit ami », « boire un petit coup », « petite faim »… Et pourquoi pas « grande faim », « grand ami » ? Prenez la politique, c’est de saison. Voyez-vous, dans la brochette de candidats à l’élection présidentielle, un seul véhiculant des idées réellement libérales – suppression de l’Ena, privatisation de la Sécu, possibilité de licencier des fonctionnaires… – ? Ca ne ferait pas de mal au débat démocratique. Par temps de crise, de nouvelles pistes, même controversées et improbables à ce jour, doivent être évoquées. Or, l’aile droite de Sarkozy n’est occupée que par un extrême idéologique, pas économique. Alors qu’ils sont trois (hors Eva Joly) à se présenter à gauche de Hollande. Parce que nul ne la voit, personne ne parle de cette étonnante asymétrie, révélatrice de blocages mentaux invisibles.
Mister Dujardin, pour vos vieux jours, il sera toujours temps d’animer des séminaires d’entreprises. Vous raconterez aux cadres à haut potentiel comment vous avez touché les étoiles pour avoir cru en elles.