Ils ne tiennent pas la porte. N’appellent pas grand-mère pour son anniversaire. Passent en force quand on les croise sur un trottoir étroit. Ne savent pas écrire une ligne sans faute. Voient l’Angleterre ou l’Allemagne comme des destinations Ryanair, pas comme de vieux ennemis. Ils ne liront jamais Hugo ou Shakespeare – pas même sur l’Ipad 2. Ils veulent tout, tout de suite. Gagner 2 000 euros par mois en début de carrière, avec 20 jours de RTT et mutuelle. L’ère de la notoriété télé et de l’argent pour seul horizon. Ils ne reconnaissent aucune autorité : ni parents, ni flics, ni profs, ni patrons. Tout leur est dû. Ils savent tout, tout de suite. Facebook est leur divinité. Beaucoup ignorent que la France fut catholique. Profondément, longtemps, douloureusement – jusqu’à l’identité.

Beaucoup ont des parents séparés. A l’âge des petits trains, ils subissent des gardes alternées mises en place dans l’intérêt des seuls parents – qui peuvent ainsi dire en société : « Je suis responsable, j’élève mes gosses », tout en s’arsouillant un week-end sur deux. Ils voient des dizaines de milliers de copains être expulsés du système scolaire, ce grand corps malade, sans qualification ni diplôme. Leur orientation et leur formation sont foulées au pied. Sur le marché, ils sont les premières victimes d’un chômage galopant. Une fois que le boss aura bien pressuré leurs compétences, beaucoup sont renvoyés sans indemnité, après une période d’essai de 6 mois : « C’est la crise. » La plupart percevront une misère de retraite, leurs aînés ayant fait sauter la banque par leurs abus et leur égoïsme. Acheter un logement neuf correct est déjà réservé aux meilleurs d’entre eux. Enfants d’Internet et du 11 septembre, ils sont des citoyens du monde. Ils verront les 9 milliards de bouches à nourrir en 2050, les effets du réchauffement climatique, le creusement des inégalités Nord/Sud. Leur intelligence est différente. Fulgurante, globale. Ils sont merveilleux. Eux seuls ont la clé.