Polyfracturée, éparpillée façon puzzle, tiraillée entre des choix de replis nationaux et l’ouverture à l’économie libérale, ubérisée et mondialisée, meurtrie (plus qu’on ne le pense) dans sa chair par des attentats aveugles, fuie par ses jeunes les plus brillants, mère du chômage de masse et de la dépense publique, si belle et imprévisible malgré tout, la France est invitée à tomber amoureuse. Et c’est ainsi tous les 5 ans. En restant vaguement prude, juste comme on l’aime en ce printemps naissant : le 23 avril pour le dîner de drague, le 7 mai pour la première nuit.

N’étant pas sondeur, mais humble observateur du fait public, je ne me suis, semble-t-il, pas beaucoup trompé, le 6 février, en pariant sur un match à quatre candidats, tous compris entre 20 et 25 %. Allez, un peu d’auto-promo en ce lundi de poke (lundi de Pâques, hilarant) : www.hubertvialatte.com/billetdulundi/lart-de-la-guerre/
Je prédisais cependant une fusion Hamon-Mélenchon, alors qu’en fait, le second absorbe, jour après jour, le premier.

Que disent, aujourd’hui, les instituts de sondage ? Qu’ils savent qu’ils ne peuvent pas savoir, tant l’écart se réduit. Ce qui est déjà, en soi, un enseignement. Voilà qui promet un dîner de drague tendu à souhait, dimanche soir.

Scrutin à scruter, inédit par le niveau de ses indécis (30 % des électeurs disent pouvoir changer d’avis, à J-6 : du jamais vu), par l’affaissement du clivage traditionnel droite/gauche, par l’absence de thème dominant, par un président sortant ne se représentant pas, par l’instabilité inquiétante de plusieurs zones du monde. Du côté des promesses à gogo et à gogos, rien de bien nouveau par contre. Beaucoup annoncent des milliards et des lendemains rieurs, avant que le champion ne se heurte, une fois en fonction sous les ors de la République, à Bruxelles, à l’Allemagne, au mur de la dette, aux marchés financiers, aux corps intermédiaires, à l’administration tentaculaire. Grand écart prévisible, qui lasse et déçoit à chaque fois. C’est que la France est une romantique, rebelle et rêveuse, prête à croire, une fois encore, au coup du prince charmant. Son goût des arts, des lettres, du verbe haut, de l’histoire et des acquis sociaux l’emporte. L’économie, l’argent et l’entreprise lui inspirent au mieux l’indifférence, le plus souvent le scepticisme, voire un rejet haineux.

Mais pourquoi écrire plus longtemps ? La guerre politique, presque animale, et les saines saillies – en famille, entre amis – qu’elle distille en ce moment entre nous tous, n’excluent pas la réconciliation et la concorde. Il faut les souhaiter. Pour ce faire, la France, éternelle et sentimentale, n’a pas besoin d’être comprise. Non. Pour tomber amoureuse, elle a juste besoin d’être aimée.