Toutes les guerres sont dégueulasses, et certaines passent mieux au 20 heures que d’autres. Le conflit du Congo a fait, depuis 1998, entre 2,7 et 5,4 millions de victimes, et provoqué le déplacement tragique de centaine de milliers d’innocents. La France est certes l’une des puissances occidentales la plus interventionniste dans ce désastre, avec 20 M€ d’aide humanitaire injectée, la participation à la plus grande opération de maintien de la paix au monde (20 000 militaires déployés au total) et un lobbying diplomatique à l’ONU, pour que les criminels de guerre soient sanctionnés. Mais pas d’intervention militaire pour mater les sinistres rebelles du M23, qui lynchent et violent en masse. Et pour cause : le gouvernement congolais a signé avec la Chine des accords d’investissement pharaoniques – exploration du sous-sol congolais, très riche en ressources naturelles, infrastructures… -, froissant ainsi les capitales européennes.

La Syrie, c’est plus sexy. Un dictateur à moustache, dont même le nom sonne comme celui d’un boucher – dites ‘Bachar el Assad’, ça fait peur, hein ? Une attaque chimique sur des civils, le 21 août, condamnée par la communauté internationale, ces fumiers de Russes et de Chinois exceptés. Une espèce de mode du printemps arabe – tellement réussi en Tunisie et en Egypte, aujourd’hui aux mains des islamistes ou de l’armée. Un besoin, aussi, pour l’Occident, de retrouver une cible, à l’heure où ses troupes quittent le bourbier afghan.

Ereintées par une crise qu’elles n’ont pas provoquée, mais doivent payer, les opinions ne veulent pas d’une guerre en Syrie. Leur message : nous n’avons plus les moyens de cette politique. Les Britanniques ont signifié ce refus par un vote parlementaire ; les Français doivent se contenter, pour exprimer la même position, d’un vulgaire sondage paru dans Pèlerin Magazine, leurs députés étant invités à débattre, mais pas à voter ; les Américains jouent la montre, habilement, laissant leurs alliés se dévoiler les premiers, et s’ensabler. Une guerre, et après ? Que sont devenus l’Irak, l’Afghanistan, la Libye, sinon un cortège de voitures piégées, et des moignons de démocratie ? D’un point de vue business, a-t-on su y exporter nos technologies et nos savoir-faire, pour « rentabiliser » les dépenses militaires engagées ? Non. Sans compter qu’intervenir en Syrie apporte la garantie d’un ou plusieurs attentats à Paris (ça nous manque presque).

Des photographes de guerre exposent jusqu’à dimanche à Visa pour l’Image (Perpignan). Que nous disent, crûment, violemment, à la limite du supportable, les expos de Jérôme Sessini (Les rues d’Alep) ou Goran Tomasevic (Combat), revenus de la ligne de front ? Que la bataille d’Alep tue et déchiquète chaque jour, depuis des mois. Gaz ou pas gaz, avec des courants religieux contraires en toile de fond. Pour une fois que des journalistes ne disent pas de conneries !