En n’attribuant que 26 % des voix aux deux partis dirigeant la France depuis 35 ans (PS et LR)*, le peuple a montré, dimanche, sa volonté forte de renouvellement de la vie politique. Son envie de tourner la page du vieux clivage droite/gauche et de certaines pratiques. Se retrouvent propulsés au 2ème tour, en mondiovision, un gars jamais élu, tout nouveau tout beau (le gentil), et une fille jamais ministre, mais redoutable professionnelle de la politique (la méchante).

Violemment sortis du jeu, le Parti socialiste et Les Républicains se retrouvent dans la détresse, avec l’urgence d’une profonde refonte pour survivre, s’il est encore temps pour eux. Non content de pouvoir se présenter à sa succession (une première), François Hollande voit son parti afficher un score à un chiffre (autre première). Quant à la droite, pourtant majoritaire dans le pays – cf. les élections municipales, départementales, régionales et sénatoriales -, elle réussit l’exploit de perdre deux présidentielles de suite. À psychanalyser.

Comme annoncé, et écrit dans ces colonnes, le pays est aujourd’hui coupé en quatre, avec seulement 5 % d’écart entre Macron, arrivé en tête, et Mélenchon. On saluera au passage les instituts de sondage, qui ont anticipé au pourcentage près les résultats. Ce paysage fragmenté promet des élections législatives (11 et 18 juin) sympathiques en diable, avec une question déjà clef : le/la futur-e président-e aura-t-il/elle une majorité ? Rien n’est moins sûr. Le candidat Macron, 39 ans, favori déclaré du 2ème tour et chouchou quasi-inconditionnel des médias, en prend la mesure, en évoquant le sujet dès le soir du 1er tour. Tout en restant très vague : « Je me dois de rassembler tous les Français » (en effet) ; « Je souhaite, dans 15 jours, devenir votre Président » (sans déconner ?).

Ses initiatives culottées – création réussie du mouvement En Marche !, en avril 2016, puis démission du gouvernement fin août 2016 – révèlent un instinct politique rare, presque animal. En Marche ! a su catalyser des énergies cachées, et a pu aussi s’appuyer sur le soutien inespéré de François Bayrou, devenu expert dans l’art de faire basculer les campagnes présidentielles. La réussite supersonique d’Emmanuel Macron – qui le connaissait il y a trois ans ? – prospère aussi sur la faillite des partis, englués dans leurs guerres intestines et leur incapacité à se moderniser. En cas de victoire le 7/5, on saura assez rapidement s’il a suscité une adhésion réelle, ou s’il a été élu sur un malentendu.

Marine Le Pen, moins haute que prévue (elle espérait tutoyer les 30 %, et finit à 21,7 %), finit 2ème. Ce qui constitue presque un revers électoral, malgré sa qualification en finale et un nouveau record en nombre de voix (environ 7,3 millions). Fillon perd une élection imperdable. Mélenchon échoue aux portes de son rêve de grand printemps.

Place au débat du 2ème tour. Les termes en sont simples, presque limités : libéralisme économique et Europe d’un côté, fermeture des frontières et forte étatisation de l’autre. On n’apprendra pas grand chose, mais au moins, on est sûrs de comprendre sans faire trop d’effort.

* Au lieu de 55 % en 2012 (28 % pour François Hollande, 27 % pour Nicolas Sarkozy).