S’il ne s’est pas suicidé cette nuit dans un lac suisse, il faut remercier Jérôme Cahuzac. Un ministre du Budget, labellisé socialiste, qui appelle aux efforts de tous en ces temps difficiles, mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale après avoir démenti l’info avec force, pendant des mois, à son président normal et devant 576 députés : pour cette réalité dépassant la fiction, merci. Dans cette tragédie grecque, les Français découvrent que l’un des ministres clé de la « République irréprochable » agit, depuis plusieurs années (donc, de façon structurelle et non ponctuelle) dans le pur style de la mafia en col blanc – on passera outre la présomption d’innocence, puisqu’il a avoué. Combien d’autres noms impliqués dans ces agissements obscurs ? La classe politique, dans son ensemble, tremble. La gauche, si prompte à donner des leçons de morale et de patriotisme à Bernard Arnault et Gérard Depardieu, est durablement décrédibilisée. Pour avoir ouvert cette boîte de Pandore et d’or, merci. L’affaire Cahuzac symbolise une certaine pratique du pouvoir, souvent confisqué par une élite obsédée par ses privilèges, méprisant le peuple et qui, de surcroît, échoue lamentablement depuis 40 ans. Pour cette saisissante incarnation, merci. Autre vertu du feuilleton : les masques tombent. En lâchant et lynchant Cahuzac avec un empressement et une violence suspects, le couple exécutif Hollande-Ayrault veut faire croire qu’il ne savait pas et ne pouvait pas savoir. Il s’agit de sauver les meubles et de contenir l’insidieuse montée du « tous pourris », mère des extrêmes. Soit, mais à Clermont-Ferrand, Madame Michu a du mal à gober. Le lien sacré entre le peuple et ses représentants, de plus en plus ténu, rompt cette fois pour de bon grâce à la bombe à fragmentation Cahuzac. Toucher le fond démocratique doit inciter les citoyens à inventer un autre monde, loin des annonces cosmétiques : lutte réelle contre les conflits d’intérêts, le cumul des mandats et les paradis fiscaux ; création d’une 6ème République ou d’un gouvernement d’union nationale, voire changement de régime. Pour la perspective de ce changement d’ère désormais irréversible, merci. Enfin, réjouissons-nous du rôle des médias, quand ils sont courageux, perspicaces et obstinés. C’est le pure player Mediapart qui a fait tomber Cahuzac. L’ultime merci du lundi ira donc aux journalistes de sa rédaction.