C’est la reprise, et avec elle, son cortège de récits vains. Machin s’est gobergé en Thaïlande, bidule a bourlingué en Croatie, truc a « fait les States » (comment donc peut-on « faire un pays » ?). Peur du vide, marketing des tours opérateurs (où je dirai tu iras), besoin de se positionner socialement (je vais loin, donc je suis) ou réel attrait pour la découverte ? C’est selon. Les ressorts sont complexes, lovés dans l’intimité des êtres et des familles. Point de jugement hâtif. Une chose est sûre : ils courent ils courent, les occidentaux vaguement riches. Ils courraient presque davantage en vacances qu’au bureau, sans regard ni mot ni pensée pour ceux qui restent, parce que seuls, ou miséreux. Sans un regard non plus pour l’environnement qu’ils contribuent à dégrader, et qu’ils prétendent vouloir défendre. « Un jour j’irai à New York avec toi », chantait Jean-Louis Aubert en 1984. 30 ans après, le titre de la chanson semble en avoir 100. De destination logiquement extraordinaire, New-York, et avec elle tant de lieux, jusqu’aux plus singuliers, est devenue pour beaucoup une station de métro, une destination shopping, un week-end anniversaire, un outil d’auto-promotion.
Quand j’étais môme, l’été, c’était pas compliqué, et très loin de New-York : juillet en Auvergne, août en Ardèche. Pas de mer, mais on se marrait entre cousins. Trains fantôme dans la cave (une brouette sans âge faisait office de train), tour de France à la télé (les Français en gagnaient encore) et virées en vélo après, piscine communale et immonde, session mousse au chocolat en cuisine, nuits blanches jusqu’à 1h du matin, Coca chaud d’1,5 litre acheté en cachette à l’épicerie, et bu exprès à toute vitesse pour des concours de rots au pied de la Croix qui dominait la vallée. Les plus audacieux écoutaient les parents s’engueuler en collant l’oreille à la porte de leur chambre, livrant ensuite des comptes-rendus approximatifs à leurs congénères brûlants d’impatience. Ces vacances, heureuses et simples, mes propres enfants ne les connaîtront pas. Nous ne sommes plus en 1984. Frénésie d’ailleurs, familles monoparentales ou recomposées, instabilité zappeuse… Les temps changent, et sur cette affaire-là, c’est grand malheur. Car « le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux ». Rassurez-vous, ce n’est pas de moi, c’est du Proust.