57 % d’abstention, quasiment 60 % dans la région Occitanie. Du jamais vu pour un tel scrutin. On ne peut pas dire que le 2ème tour des élections législatives ait passionné les foules. Les explications d’experts se télescopent : lassitude après une année électorale éreintante, impression que tout est joué depuis l’élection d’Emmanuel Macron le 7 mai, électeurs de droite et de gauche déboussolés et tirant la gueule. Et aussi, plus prosaïquement, des gens qui déménagent de plus en plus, et qui ne pensent pas à actualiser leurs inscriptions sur les listes électorales.

Ne versons pas non plus dans une analyse trop scotchée à l’actualité : les primaires de droite et de gauche ont mobilisé des millions de Français, tout le monde s’est, depuis le ‘un peu’ jusqu’’à la folie’, pris au jeu de cette campagne présidentielle hallucinogène. On en fera un film, s’il n’est pas déjà dans les tuyaux des producteurs.

Les médias se sont plantés dans les grandes largeurs : le primaire de la droite désignerait, pour sûr, le prochain président de la République – il n’a pas été qualifié pour le 2ème tour ; Macron est une bulle ; Macron n’a pas de programme ; Macron n’aura pas de majorité présidentielle. Et, devenus subitement des tracts de propagande du mouvement En Marche ! (lequel n’avait rien demandé, soit dit en passant), ces mêmes médias ont prédit un « raz-de-marée », un « tsunami » En Marche ! pour les législatives. Majorité absolue certes. Mais finalement, si les vieux partis (PS et LR) se prennent une avoinée historique, ils limitent la casse, réalisant des scores se situant dans les fourchettes très hautes des derniers sondages. Toujours en vie. Une telle cécité/versatilité dans l’analyse, et une telle constance sur la durée dans les erreurs, amènent à s’interroger sur la viabilité des logiciels à l’œuvre dans certaines rédactions. On notera cependant des fulgurances, comme celle de L’Express qui, dès septembre 2014, titrait efficacement dans une couverture prémonitoire : « La bombe Macron ».

Défaits lors de la présidentielle, après y avoir cru mordicus, Mélenchon et Le Pen gagnent la petite finale et s’invitent au Palais Bourbon, avant de prendre des vacances méritées et pas ensemble. Sans triangulaire, le Front national franchit pour la première fois le plafond de verre des 50 %. Il passe de 2 à 8 députés. Trois d’entre eux sont issus de mon charmant ex-Languedoc-Roussillon : l’avocat Gilbert Collard dans le Gard, Emmanuelle Ménard, épouse du maire de Béziers Robert Ménard, dans l’Hérault, et, dans les Pyrénées-Orientales, Louis Aliot, vice-président du FN, compagnon de Marine Le Pen et l’œil déjà rivé sur les municipales 2020 à Perpignan.

308 gars et filles en marche ont donc décroché un fauteuil parlementaire hier soir. Ils n’en continueront pas moins, espérons-le, de marcher pour conduire le pays vers une « confirmation de l’embellie économique frémissante », comme dit l’Insee. Il faut aussi, ce que leurs adversaires oublient parfois de façon assez inélégante, les saluer pour leur performance. Car c’en est une. Et, pour citer Macron le soir de son élection, « rien n’était écrit ».

Trois grands beaux débats vont s’ouvrir à présent : est-ce un feu de paille, une mode printemps/été sur fond de dégagisme consumériste, ou bien une aspiration plus profonde à une nouvelle donne ? Les députés REM (République en marche) et l’exécutif incarneront-ils vraiment, comme annoncé sur l’emballage, le renouvellement  des pratiques et la moralisation de la vie publique ? Emmanuel Macron mènera-t-il vraiment, comme annoncé sur l’emballage, une politique libérale – et d’ailleurs, est-il libéral ? Les réponses ne sont pas contenues dans les questions. Là aussi, rien n’est écrit.