D’abord, bravo. Le montpelliérain Mohed Altrad, samedi soir à Monaco, est élu Entrepreneur mondial de l’année 2015 (EY). C’est la première fois qu’un Français glane ce prestigieux trophée. D’origine syrienne, le patron héraultais a bâti un empire des échafaudages, bétonnières, brouettes et autres produits tubulaires – les fabriquant et les installant pour le compte d’industriels, de complexes pétrochimiques, de ports, d’installations nucléaires… 17 000 salariés tout de même, après une centaine d’acquisitions réalisées en 30 ans, dont la dernière, celle du néerlandais Hertel, a permis au groupe de doubler de taille. D’abord prix régional Méditerranée à Montpellier (septembre), puis prix national à Paris (décembre), il l’emporte face à 63 sélectionnés internationaux.

Une consécration, pour un homme à la trajectoire inédite : né dans le désert d’une famille de Bédouins, arrivé en France vers 17 ans (il ne connaît pas son âge précis) pour poursuivre des études scientifiques, grâce à ses excellents résultats et une bourse. Aujourd’hui au top du business, et par ailleurs romancier et président du Montpellier Rugby Club – comme c’est le cas avec son groupe, le stade porte le nom d’Altrad.

Samedi soir, Altrad a brandi deux (un dans chaque main) drapeaux français, sur l’estrade, une fois sa victoire proclamée, face au gotha international des décideurs économiques et financiers. Symbole d’apaisement, d’ouverture et de fraternité dont la société a besoin. Il le dit mieux que moi, en anglais dans le texte : « Money is not the objective of life… the objective of life is to help the human. We are all brothers. We are all sisters. We must love each other, every day. »

Tout ne s’est pas déroulé, pour lui, comme dans un conte de fées. En septembre dernier, il lançait non sans humour, lors de la remise du prix de l’Entrepreneur pour la région Méditerranée : « Il y a trente ans, je galérais pour avoir 200 000 francs auprès d’une banque. Imaginez-vous, un Arabe, venant du désert, ingénieur dans le pétrole puis dans l’informatique, qui reprenait une boîte d’échafaudages en faillite dans l’Hérault. Aujourd’hui, on me prête 150 millions d’euros sans problème. » Dépourvu de service de communication, malgré la taille mondiale de son groupe, il traite en direct avec les journalistes. Et garde une reconnaissance pour des titres de presse – dont La Lettre M – qui ont contribué, à ses débuts, à le faire connaître et respecter.

Un nuage cependant : l’assourdissant silence des collectivités locales, pourtant pas toutes copines entre elles – Région Languedoc-Roussillon, Montpellier Méditerranée Métropole, conseil départemental, Ville de Montpellier. A cette heure (lundi 15h, soit 40 heures après l’officialisation d’un résultat largement médiatisé), pas un seul communiqué de félicitation pour cet entrepreneur, resté fidèle à sa ville d’accueil, intervenant dans des collèges et lycées défavorisés, et faisant ce matin parler de son territoire jusqu’à Toulouse et jusqu’à la Une de la Dépêche du Midi – c’est dire.

Pourtant, des communiqués inutiles, croyez-moi, on en reçoit, entre frénésie LGBT, expos d’art contemporain bidon ou hommages à d’illustres inconnus. Alors, sieste prolongée des cabinets ? Racisme latent ? Volonté de ne pas faire la promotion d’un potentiel futur adversaire politique ? En tout cas, je reste sur ma fin.