Droit à mourir : la justice envoie deux signaux forts aux politiques. Le Conseil d’Etat (17 juges de l’assemblée du contentieux) autorise, dans le cadre prévu par la loi Leonetti, l’arrêt des traitements permettant de maintenir en vie Vincent Lambert, 39 ans. Ce patient tétraplégique « vit » en état de conscience minimale, dans un état végétatif, depuis six ans, après un accident de la route survenu en 2008*. Le 25 juin, Nicolas Bonnemaison, ex-urgentiste accusé d’avoir empoisonné sept patients en fin de vie, est acquitté par la cour d’assises des Pyrénées-Atlantiques.

C’est le moment. Le moment de mettre fin, une bonne foi* pour toutes, à une vaste hypocrisie politico-religieuse. Non, la mort n’est pas taboue, et doit être affrontée honnêtement, courageusement, de façon plus rationnelle, moins sacralisée. « Les politiques n’ont pas le courage de faire une loi qui place en son centre le patient en fin de vie, tranche Jean-Luc Romero-Michel (PS), président de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité. Il faut s’appuyer sur la volonté du patient ou sur une procédure qui permet d’associer les proches à la décision. C’est une affaire citoyenne et personnelle, pas médicale. »

Rappelons que le suicide assisté est en pratique au Pays-Bas, en Suisse et dans trois Etats aux USA. Que l’euthanasie, ce gros mot, est de fait pratiquée dans les hôpitaux français (4 600 en 2012, d’après l’Ined). Que les lobbys religieux sont bien contradictoires : ils s’en remettent à la volonté de Dieu, mais en même temps, avec cette obstination fanatique du maintien en vie coûte que coûte, n’acceptent pas l’idée de mourir un jour – concept pourtant à peu près abordable pour les plus de 10 ans.

Rappelons encore des vérités économiques qui dérangent. C’est dans notre dernier mois de vie que nous coûtons le plus cher à la Sécurité sociale. Par exemple, 50 % des chimiothérapies sont faites dans les quinze derniers jours de vie des patients atteints d’un cancer. Par ailleurs, de nombreux traitements administrés sont inefficaces car inadaptés. De meilleurs dépistage et fléchage des protocoles médicaux permettraient d’utiliser l’argent à bon escient.

En soi, mourir n’est pas si grave. Souffrir, c’est plus chiant. Ce soir, en sortant du bureau, regardez vos contemporains pleins d’espoir, en train de se remaquiller, de boire un coup, de courir chercher les gosses ou de baratiner une fille. Dans cent ans, ils auront tous été remplacés, et vous avec !

* Le 24 juin, la Cour européenne des droits de l’homme a demandé de maintenir provisoirement en vie Vincent Lambert, le temps qu’elle se prononce après avoir été saisie par les parents du jeune homme.
** Ce n’est pas une faute !