En déclenchant une intervention militaire au Mali, la France tient « sa » guerre contre les méchants – en « istes » : islamistes, terroristes, salafistes,… Le but de Paris étant moins d’aider Bamako que d’éviter une contagion des mouvements rebelles à l’Afrique subsaharienne. Combien de morts causés par cette guerre lointaine, aux enjeux complexes – la défense des « intérêts français », le besoin de redéployer des troupes après l’Afghanistan, l’occasion de s’affirmer pour un hypo-président ? Le décompte médiatico-macabre commence. Le principe est simple : un gentil (jeune, militaire, occidental, plein d’avenir) vaut 10 vilains (sans âge, barbu, moyenâgeux, bon pour brûler en enfer). Cercueils drapés de tricolore et veuves éplorées (enceintes de préférence), en rang d’oignons dans la jolie cour des Invalides. Le sommet de l’Etat pour ces enfants glorieux, tombés pour la France. Ça ne manquera pas : des confrères en manque d’adrénaline chercheront des poux à la Grande Muette : pourquoi le soldat défunt se trouvait-il dans cette vallée ? Etait-il suffisamment formé ? bla bla bla. Incroyable mais vrai : la guerre, ça tue. Une évidence devenue inacceptable. Reflet d’une société où il s’agit de ne plus rien assumer : déclarer une guerre, mais sans sang ; prendre le train, mais sans tolérer le moindre retard ; faire des enfants, mais les refourguer aux grands-parents dès que possible ; revendiquer un train de vie, en travaillant un jour sur deux ; se dire écolo, avec un bilan carbone de pilote d’avion ; fumer, mais light ; Coca, sans sucre.
Revenons à nos méchants. On pourrait s’interroger sur notre propre responsabilité dans la montée de l’islamisme radical qui agite le monde arabo-musulman. La violence cynique, assumée et exportée de notre modèle économique. L’aide multiforme (logistique, financière, armes, renseignements…) que nous avons apportée aux plus sombres dictatures, pendant des décennies. La naïveté avec laquelle nous avons fait venir, parce que le BTP avait besoin de bras pas chers, des centaines de milliers de familles dont on savait qu’elles seraient nombreuses et pauvres, et dont on savait qu’on ne pourrait les intégrer toutes décemment. Nul ne souhaite des bombes dans le métro pour 2013. Mais si elles explosent, nous en serons les premiers responsables.