Connaissez-vous la couleur préférée de vos enfants ? Tout juste, pour certains, et j’en suis. Les fracas-tracas quotidiens, la quête professionnelle et l’emprise des écrans éloignent de cette question pourtant profonde, essentielle et signifiante. Connaissez-vous leur livre de chevet ? Leur matière scolaire de prédilection ? Celle qu’ils abhorrent ? Là où ils ont fait leur premier pas ? Leur 2ème prénom ? Le tout premier métier qu’ils ont voulu exercer, avant de changer d’avis – car ils changent tous d’avis, à croire qu’ils se passent le mot – à 10-12 ans ?

Voilà qui touche à l’intime. Des instants de grâce, des confessions volées, un dialogue rompu puis restauré, un regard sans geste, un geste sans mot. Il n’y a pas de mode d’emploi. On n’est pas tous égaux. Certains parents tiennent des carnets de souvenirs, noircis de ces phrases enfantines qui émeuvent aux larmes. Stockent et sauvegardent des centaines de photos et des heures de films. Méthodologie remarquable, signe de patience et de passion bien ordonnée. Les photos de nos parents ont jauni dans le grenier de la maison de campagne. Celles de nos enfants sont dans le cloud, lovées dans des data center énergivores et anonymes.

D’autres parents, un brin brouillons, n’ont pas le temps, ou, plutôt, préfèrent fuir, pas toujours à l’aise dans ce premier cercle. Alors, comme à leur habitude, ils feintent. Ils disent garder au cœur de leur mémoire un sourire de vacances ou de sortie de classe, une phrase lourde de vérité. Les plus habiles évoqueront ces matins d’école où il faut attendre, avant de partir, que l’enfant se retourne une deuxième fois dans la cour et qu’il jette, dans leur direction et à travers les cris, le signe d’un second au revoir, lequel vaut cent fois plus que le premier et le complète à merveille.
Ces parents-là n’ont pas des âmes d’organisateurs, mais peuvent penser, sans note de rappel, à prendre un cliché du petit, une fois l’an, au même endroit, avec la même lumière d’automne. Ça fera une belle fresque pour ses 18 ans.

Pas de mode d’emploi, et, pour tous, beaucoup d’erreurs, petites et grandes. Une chose est sûre, et elle vaut conclusion : les enfants, eux, savent sans hésitation nos couleurs préférées.