La France tient son nouveau Guy Môquet*. Rue Caumartin, 5 juin 2013. Clément Méric, étudiant à Sciences-Po Paris et figure montante de l’extrême-gauche parisienne, meurt dans un vulgaire baston de rue, provoqué par un échange d’invectives avec un groupe de skinheads croisé par hasard. Un baston ultra-violent qui tourne au drame, en plein jour, au cœur de Paris, sur fond de différends politiques. On n’est pas dans le cadre d’un assassinat. Pas même d’un meurtre, même s’il y a mort d’homme : le principal suspect, 20 ans, a été mis en examen samedi soir pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner ». Tragique ironie du sort, avant d’accéder au prestigieux institut parisien, la jeune victime venait de vaincre un cancer. Anecdote journalistique : l’assassinat sordide d’un couple de septuagénaires de Châteauneuf-de-Gadagne (Vaucluse), battus à mort à leur domicile le 27 janvier dernier, était passé complètement inaperçu. Pas vendeur. Voilà pour les faits, rien que les faits – ils ont leur importance informative, leur force nue.

Côté récupération, ça dépote. Les parents du petit Méric n’ont pas eu le temps d’acheter un kilo de Lexomil que ça y est, tout le monde y va de son refrain : médias, factions d’extrême-gauche, politiques, badauds. Clément l’icône, Clément le martyre de la République. Jean-Marc Ayrault veut « tailler en pièces ces mouvements d’inspiration fasciste et néonazie ». Bon courage. La seule vérité, c’est que Clément Méric est mort sous les coups d’hommes prisonniers d’eux-mêmes, dont la violence n’a d’égal que l’ignorance, l’exaltation, la haine et la frustration. Ce drame « n’est pas un simple fait divers, explique Pascal Riché dans rue89. Elle s’inscrit dans un contexte politique, économique et social très particulier. Ce n’est pas un accident si, dans plusieurs pays d’Europe, de telles exactions sont commises par des groupes néofascistes. » Exact. Ces mouvances néo-nazies naissent et prospèrent sur un affaissement général, dont nous sommes tous responsables – parents démissionnaires, tout-écran décérébrant, naufrage du système éducatif, repères en berne, réponses judiciaires inadaptées à la violence des mineurs, chômage de masse, incapacité des politiques à réformer pour de vrai et à ouvrir un avenir. Ne pas s’en occuper en urgence, c’est risquer d’autres Clément Méric. A n’en pas douter, le jeune homme aurait brillamment disserté sur ce sujet.

* Militant communiste, fusillé par les Allemands en 1941, à l’âge de 17 ans.