« Le mouvement de grève à la SNCF doit s’arrêter », déclare, le 12 juin, François Hollande. Le propos est plus celui d’un politicien que d’un chef d’Etat. Il s’agit de ne pas foutre dedans des dizaines de milliers de bacheliers, ce lundi matin, du fait de trains de banlieue en rade. En aucun cas, François Hollande n’osera remettre en cause la légitimité d’une grève, émanant pourtant d’une catégorie ultra-privilégiée (je suis invirable, et ma boîte ne coulera jamais), qui pourrit par son blocus le quotidien de millions de travailleurs, étudiants et scolaires, et dont l’objet porte sur une réforme ferroviaire à laquelle personne ne comprend rien – pas même les grévistes eux-mêmes. On ne parle pas de l’image donnée à l’extérieur de nos frontières, à l’aube de la saison touristique.

Trois jours après, malgré les mises en garde de notre président casqué, inutile de préciser que la grève a été prolongée, à la veille de l’ouverture de l’examen du projet de réforme à l’Assemblée nationale. Au stress du bac, la première épreuve consiste donc, pour les candidats les plus défavorisés – habitant loin des centres d’examen, et dépendants des transports en commun -, à se rendre sur place. « Le droit de grève est-il toujours d’actualité en 2014 ? », voilà un beau sujet mi-philo mi-éco qui ne sera pas posé.

Un peu de live. Samedi 7 juin, heure de l’apéro. L’AFP m’envoie couvrir un forum de la coordination nationale des Intermittents et Précaires au Printemps des Comédiens à Montpellier. Petit voyage au pays des Non. Arrivant sur les lieux (Domaine d’O, propriété du conseil général de l’Hérault), une première série de banderoles : « Non à la réforme territoriale », « non à la suppression des Départements ». Pénétrant dans l’antre des cultureux (interdit aux non-fumeurs), seconde salve : « Grève ou crève », « on ne joue plus », « Déficit toi-même » ou, plus drôle, « 22 mars et ça repart ». Deux heures de bla-bla, au cours desquelles les intervenants réalisent la prouesse de ne pas parler du problème – l’usurpation du statut d’intermittent par des entreprises déjà pétées de pognon.

Certes gravé dans le marbre de la Constitution, le droit de grève n’en est pas moins injuste et archaïque. Injuste, car il est réservé à une poignée d’individus, qui peuvent en toute impunité, pour préserver leurs privilèges, supprimer des trains, des avions, ou encore des festivals déjà lourdement subventionnés. Archaïque, car en total décalage avec les formes nouvelles du dialogue social, en vigueur ailleurs en Europe, où patronat et syndicats coproduisent les règles du jeu au lieu de s’affronter par principe. « Germinal » de Zola, c’est très bien, mais c’était avant.